L’IA et le branding : une révolution créative ou un outil limité ?

Aujourd’hui, l’intelligence artificielle progresse à grande vitesse et s'invite dans le domaine du design, proposant des outils en ligne et des extensions intégrées aux logiciels phares comme Figma ou la Suite Adobe. Ces solutions permettent d’optimiser le travail des designers en automatisant certaines tâches, en accélérant les processus de création et en offrant de nouvelles perspectives créatives et options pour les entreprises. Mais jusqu’où peuvent-elles réellement aller ?

Des outils clé en main : que valent les IA de création de logos ?

Des solutions en ligne comme le DreamLab de Canva, LogoAI.com, ou encore Design.com promettent de générer par intelligence artificielle des propositions de logos en quelques secondes, à partir d’un simple prompt. Avec des interfaces simples et accessibles, ces solutions attirent des entrepreneurs, des spécialistes du marketing et de la communication, ainsi que des petites entreprises à la recherche d’un univers graphique rapide et abordable. Mais que valent réellement ces outils face à un véritable travail de direction artistique ?

Pour le savoir, nous avons testé et mis en concurrence ces trois solutions en suivant une méthodologie. Nous avons décidé de leur soumettre le même brief, en nous basant sur une identité bien connue : celle de Deezer, une entreprise de streaming musical.

Méthodologie

Nous avons utilisé les brand guidelines officielles de Deezer, disponibles en ligne, comme base pour deux types de brief :

Un brief court et large : laisser place à l’interprétation

Nous avons volontairement conçu un brief simple et ouvert, pour évaluer comment chaque outil IA interprète une demande large et peu détaillée :

• Entreprise : plateforme de streaming musical – Deezer.

• Valeurs : connexion, expression de soi, dynamisme. 

Slogan : "Live the music".

Un brief détaillé et précis : une approche cadrée

Pour ce deuxième test, nous avons élaboré un brief beaucoup plus structuré, afin de fournir des indications claires et techniques que l’IA devait respecter :

• Nom de l’entreprise : Deezer.

• Slogan : "Live the music".

• Domaine : streaming musical.

• Logo : minimaliste, dynamique et expressif. Il doit refléter l’émotion et l’énergie de la musique, avec des formes courbes et fluides évoquant le mouvement du son et la connexion entre l’artiste et l’auditeur, sans utiliser de symboles musicaux évidents.

• Typographie : sans-serif expressive et contemporaine.

Analyse des résultats : des outils pratiques, mais encore loin d’être convaincants

Sans grande surprise, les résultats sont loin de ce que l’on pourrait attendre d’un travail de direction artistique humaine.

• Interprétation conceptuelle limitée : même avec un brief détaillé, les fonctionnalités des outils d'IA peinent à capturer l’émotion et la vision artistique qu’un humain pourrait apporter au client.

• Standardisation des designs : les propositions générées manquent souvent d’originalité, de personnalisation, et s’appuient sur des bibliothèques préexistantes, rendant les résultats peu différenciants.

• Dépendance aux clichés visuels : lorsqu’un brief est trop large, les IA ont tendance à utiliser des symboles évidents (ex. : notes de musique), sans chercher une nouvelle interprétation plus subtile.

• Des designs datés : éloignés des tendances actuelles, ils dégagent une impression peu professionnelle et bas de gamme.

Peut-on hacker l’IA pour obtenir un meilleur résultat ?

Si l’IA n’est pas encore au niveau d’un directeur artistique humain, peut-on optimiser son utilisation pour en tirer le meilleur parti ?

Dans cet article de La Boucle, l'équipe du média a testé plusieurs outils d'intelligence artificielle pour recréer leur branding, avec des résultats intéressants. L'objectif était de comprendre comment "hacker" les outils d'IA pour améliorer leurs propositions, souvent trop génériques ou limitées.

Le travail s’opère sur ChatGPT et Midjourney à partir d’un brief précis :

« Imagine que tu es le Brand Manager Sénior et Directeur Artistique du média la boucle. La boucle a un positionnement éditorial et traite 7 thématiques couvrant le digital : stratégie, UX et UI, branding, web marketing, sites et applications, écoconception. Le public cible a entre vingt et trente-cinq ans, est urbain et aime s’informer sur des médias tels que « J’ai un pote dans la com », « L’ADN », « Creapills » ou encore « Medium ». La tonalité est experte, mais humaine, un peu cynique et sarcastique, avec de l’esprit. »

À partir de ce brief, les éléments demandés ont été : palettes de couleurs, typographie sur ChatGPT et mascotte sur MidJourney. Après quelques itérations et un oeil créatif pour l’assemblage, le résultat tient étonnamment la route. Évidemment, le résultat pourrait être encore plus précis et poussé en multipliant les prompts, les itérations, et en analysant de nouveaux jeux de données, mais ce n’était pas le but de la manœuvre.

En conclusion, l’article souligne que l’IA reste un excellent outil d’assistance, mais que ses fonctionnalités ne peuvent pas remplacer une réflexion humaine profonde. L’utilisation de l’IA a permis d’accélérer le processus créatif, tout en restant critique et en intégrant une vision stratégique pour les marques.

En clair : l'IA peut être "hackée", mais elle doit toujours être encadrée par une expertise humaine pour produire un branding fort et différencié.

Des outils d’IA pertinents dans la création d’une identité visuelle 

Si l’intelligence artificielle n’est pas encore en mesure de remplacer totalement la créativité directeur artistique, elle s’impose aujourd’hui comme un outil puissant pour accompagner la création d’une identité visuelle des entreprises. De la sélection de typographies aux palettes de couleurs, en passant par la photographie et l’élaboration de moodboards, les fonctionnalités de certaines IA permettent d'accélérer le processus itératif et d’affiner une direction artistique de qualité pour le client.

Typographies 

• WhatTheFont – Identifier une typographie à partir d’une image

WhatTheFont scanne une image (logo, affiche) et identifie la police utilisée parmi une vaste base de données.

• Idéal pour : retrouver une typographie existante et assurer une cohérence visuelle.

• Fontjoy – Trouver des combinaisons harmonieuses

Fontjoy utilise l’IA pour associer des polices complémentaires et adaptées à différents usages.

• Idéal pour : sélectionner des typographies modernes et les adapter au branding.

Palette de couleurs 

• Adobe Color CC – Définir et ajuster une palette de couleurs

Adobe Color extrait des palettes de couleurs à partir d’images et les optimise avec des outils d’accessibilité.

• Idéal pour : extraire une ambiance colorimétrique, puis harmoniser ses couleurs en fonction d’un logo ou d’un univers visuel.

Iconographie 

• Adobe Firefly & MidJourney – Génération d’images et moodboards

Adobe Firefly et MidJourney permettent de créer des visuels sur-mesure à partir de descriptions textuelles.

• Idéal pour : générer des moodboards harmonieux et tester des concepts visuels avant validation. MidJourney génère des visuels adaptés à divers styles, idéaux pour explorer rapidement des directions créatives ou poser les bases d’un univers visuel.

L’IA reste un assistant : elle propose, mais en définitive c’est toujours l'œil humain qui valide, ajuste et donne du sens à un design de marque. L’enjeu pour les designers et les marques est donc d’apprendre à composer avec ces outils intelligemment, en les intégrant dans un processus de création hybride, où la technologie, les stratégies et la créativité humaine se complètent pour donner naissance à des design de marque fortes et uniques.

Deux limites majeures de l’IA dans la création d’un branding

L’IA permet d’affiner, tester et explorer des variantes infinies d’une identité visuelle, mais elle reste un outil d’assistance, non une solution clé en main. Derrière un branding fort, il y a une vision, une expérience, un concept marketing, une intention, un contenu, des stratégies, des éléments où l’expertise humaine reste essentielle.

Manque de sensibilité et de profondeur

L’IA et l'IA Générative appliquent un brief à la lettre, mais sans la finesse ni l'expérience qui donne une véritable personnalité à une marque. Construire une image de marque (sur le web et/ou sur les réseaux sociaux comme LinkedIn) ne se limite pas à assembler des couleurs et des formes : cela demande une compréhension profonde des valeurs, de l’histoire et du positionnement marketing d’une entreprise aux yeux des professionnels et des clients.

De plus, même les clients ont parfois du mal à formuler précisément les émotions et l’essence de leur marque. Cette phase d’introspection – "Qui est ma marque ?" – est le socle du branding. Aucun algorithme ne peut remplacer ce travail stratégique et humain, essentiel pour bâtir une identité forte et cohérente.

Manque de cohérence et d’impact

Si l’IA progresse, elle présente encore des incohérences visuelles et manque de différenciation pour les professionnels. Puisant son inspiration dans des bases de données existantes, elle recycle plus qu’elle ne crée, produisant des résultats souvent génériques et formatés, loin de la personnalisation.

Le risque ? Une uniformisation des identités de marque, où les logos et visuels se ressemblent plus qu’ils ne se distinguent.

C’est ici que le rôle du brand designer est essentiel :

• Apporter une vision unique pour éviter un branding interchangeable.

• Créer une identité qui transcende les tendances et exprime la singularité d’une marque.

• Assurer une cohérence globale sur tous les supports de communication.

• Concevoir du contenu différenciant.

• Garantir une personnalisation cohérente et pertinente de la marque.

En somme, l’IA peut accélérer la création, mais seule la main humaine insuffle du sens, de l’émotion et de la singularité. Une marque forte ne se résume pas à un logo ou une palette de couleurs : elle raconte une histoire et crée une connexion émotionnelle de qualité – un rôle que les intelligences artificielles (IA et IA Générative) ne pourront jamais assumer seule, aussi bien en termes de contenus que d'éléments graphiques. 

Conclusion 

L’intelligence artificielle progresse à une vitesse fulgurante, offrant aux directeurs artistiques et brand designers des outils puissants pour la création d’identités visuelles de qualité. En facilitant l’exploration d’idées et en accélérant les itérations avec les clients, elle permet d’affiner les concepts plus rapidement, d'offrir diverses options et d’aboutir à des identités visuelles plus précises et justes.

Mais cette évolution ne signifie pas la fin du rôle du créatif, bien au contraire. Le travail de stratégie et de création d’images de marque est en train de prendre une nouvelle tournure. 

Dans un monde où les images risquent de s’uniformiser sous l’effet d’une utilisation standardisée de l’IA, la valeur ajoutée des spécialistes du marketing, des entreprises et des designers se trouve plus que jamais dans leur capacité à insuffler une vision, une sensibilité, une créativité et une stratégie forte pour les marques.

Le futur du design ne sera ni entièrement humain, ni totalement automatisé. Il reposera sur une collaboration intelligente entre l’IA et les créatifs, où la technologie accélère l’exécution tandis que l’humain guide la vision de la marque. L’évolution à venir des métiers de directeur artistique et brand designer est liée à l'utilisation de l’IA comme un levier d’innovation tout en affirmant leur rôle de chef d’orchestre du sens, de la personnalisation et de l’émotion sur de multiples contenus et supports, allant du print au Web en passant par les réseaux sociaux tels qu'Instagram, Facebook, Behance, Dribbble ou encore LinkedIn.